C'était le même manège depuis quelques jours déjà. Même si j'étais enchaîné, j'avais le droit à un peu de répit. Malgré mes tares, je pouvais sortir quand j'en avais envie, même si maman devait s'inquiéter chaque fois que je posais un pied dehors. Je savais plus me contrôler que ce que beaucoup imaginent, je ne tue pas sans raison. Cela dit, les raisons peuvent être assez anodines. Mais récemment, chaque fois que je sortais, j'avais droit à ce sentiment particulier qui vous fait vous sentir observé. Ce sentiment qu'on vous regarde, mais quand vous tournez la tête, personne ne le fait. Une fois ça passe, deux fois aussi, mais au fur et à mesure ça commence à devenir plus qu'une simple sensation. Je ne suis sans doute pas le plus intelligent, mais j'ai appris à me méfier de tout et n'importe quoi dans cette ville. Bien sûr, je ne changeais rien à mon quotidien et ces sorties n'étaient rien de plus que des promenades ou des sorties dans des magasins et autres lieux culturels. Le genre de sortie auxquelles il ne fallait pas assister, celles-là étaient plus discrètes en général. Cela dit, même mes sorties banales pouvaient finir en bain de sang. Mais ces derniers jours, aucun meurtre n'était à déplorer. Cette sensation était toujours là pourtant. Quelqu'un me suivait, j'en étais certain. Est-ce que ma mère avait envoyé quelqu'un me surveiller ? Est-ce que c'était un ennemi ? L'un ou l'autre, ça ne me plaisait pas du tout. J'ai été enchaîné toute ma vie, on m'a poussé à me contrôler et à me retenir, ce n'était pas pour avoir un chien-chien à mes trousses. Cette enflure allait vite comprendre ce qu'il en coûtait de me chercher.

Je tentais des feintes, partant sur la droite ou la gauche au dernier moment, passant par des ruelles peu connues, persuadé de finir par attraper celui qui me poursuivait. Je fis semblant, à un moment, d'emprunter un cul-de-sac avant de me cacher pour le laisser me suivre. Bingo ! On était dans mon district ici, je connaissais les rues mieux que personne ou en tout cas, mieux que lui. Sortant de ma cachette, je m'avançais pour le coincer. Il ne pouvait pas m'échapper, un mur d'un côté et moi de l'autre. Ce n'était qu'un gamin, un jeune, maigrichon mais charmant. Un jeune qui était pris la main dans le sac. Je m'avançais vers lui, l'attrapant par le col pour le pousser jusqu'à le plaquer contre le mur derrière lui. Les sourcils froncés et le regard noir, je le fixais tandis que la colère montait. " T'es qui toi ? " Simple question, mais j'avais bien le droit de savoir qui était ce merdeux étant donné qu'il essayait d'en apprendre beaucoup sur moi. Je secouais la tête. Non non, je me foutais de qui il était. J'étirais alors un sourire amusé, presque malsain, ne lâchant pas ma poigne. " Non, je m'en fous de ça. Dis-moi plutôt pour qui tu bosses et pourquoi tu me suis. Je te laisse dix secondes pour répondre avant de te forcer à le faire et crois-mois... " Je m'approchais un peu plus de son visage, plongeant mes yeux dans les siens, un sourire encore plus grand. Il savait que je ne jouais pas. " Tu n'aimeras pas ça. "

La peur. Je la détestais autant que je l'adorais. Ce gars était tétanisé, sans doute qu'il n'avait pas l'habitude de faire face à des gens peu recommandables. Pour le coup, il avait vraiment mal choisi sa cible. Quoique certains ne lui auraient même pas posé de question et l'auraient simplement supprimé. Sa peur me donnait de la force et j'adorais ça, j'adorais avoir cette influence sur lui. Cela dit, loin de me donner des réponses que j'attendais, le stalkeur se contenta de se défendre. Enfin, si on pouvait appeler ça de la défense. Pensait-il vraiment que ça marcherait ? Il n'était vraiment pas habitué à ce genre de situation. " Mauvaise réponse. " Je l'avais prévenu pourtant, je lui avais dit qu'il devait me répondre. Je lui avais dit ce qu'il arriverait. Je le lâchais d'une main pour fouiller dans ma poche et en sortir un couteau que je dirigeais près de son visage. J'adorais sa peur. Mais au lieu de le planter, je le lâchais de mon autre main pour le frapper dans le ventre avant de ranger mon couteau. Il avait de la chance, il me faisait plus pitié qu'autre chose en cet instant. Le laissant se remettre du choc, j'attrapais son sac pour le fouiller, tombant sur un appareil photo. J'attrapais l'engin pour l'observer avant de siffler. " Sacré modèle, c'est pas pour du travail d'amateur j'imagine. " Ce n'était pas un simple espion ou un membre d'un gang. Ce gars était habitué à traquer les autres, il avait l'habitude des photos. Un détective ? Peut-être, mais je n'étais pas encore sûr. J'allumais l'appareil avant de reporter mon regard sur lui. Je ne voulais pas qu'il m'empêche de découvrir ses petites manigances. Une bonne droite et il me laisserait tranquille un peu plus longtemps.

Une fois l'appareil allumé, je regardais les dernières photos prises et il s'agissait de moi. J'étais donc bien sa cible. J'ouvrais l'appareil pour prendre sa carte avec les photos en mémoire avant de la lui montrer. " Je garde ça, c'est plus sûr pour moi. " Mais loin d'être cruel, je lui rendais son appareil intact. Il ne m'intéressait pas. Maintenant, ce que je voulais, c'était des réponses. Je fis craquer mes poings, me préparant à le forcer puisqu'il le fallait. J'attrapais ses cheveux d'une main, tirant dessus pour l'obliger à relever le visage avant de m'en rapprocher. " C'est rare, mais il m'arrive d'être clément. De toute évidence, tu n'es pas un mauvais gars, mais c'est bien moi qui t'intéresses et j'aimerais comprendre pourquoi. Je te laisse une seconde chance de me répondre. Ta dernière chance. Si tu refuses encore, je ne pourrais plus rien pour toi. " Il ne se rendait sûrement pas compte de la chance qu'il avait, je n'accordais presque jamais de secondes chances. Heureusement pour lui, j'étais dans un bon jour et il n'était qu'un pion. Je voulais le roi ou la reine. " Alors, dis-moi. Pourquoi tu m'as suivi ? Pour qui ? " J'étais sérieux, prêt à lui planter mon couteau cette fois.

Pour un maigrichon, il fallait bien avouer que ce gars en avait dans le pantalon. Quand d'autres se seraient pissés dessus et auraient tout avoué, lui tiens sa langue et sa vessie. L'habit ne fait pas le moine à ce qu'on dit. Mais aussi courageux qu'il soit, il représentait un danger pour moi et pire encore, pour ma famille. Ça, je ne pouvais pas le laisser passer. Il avait pris des photos du manoir et personne ne devait connaître nos secrets. Personne. Il avait du mal à se remettre des coups, il était en piteux état, mais il tenait bon malgré la peur, malgré les menaces. Je n'étais cependant pas reconnu pour épargner ceux qui, à mes yeux, avaient des qualités. Il aurait pu avoir été mon amant que le résultat aurait été le même. Une bête n'épargnait personne, pas même ses maîtres. Mais la peur laissa place à la fierté, étonnamment. Il se foutait de ma gueule en plus ? Oh putain, ce qu'il allait prendre ! Mais soudain, une décharge s’immisça en moi tandis que je convulsais de douleur. Je lâchais ma poigne, tombant contre le sol alors que l'électricité qui parcourait mon corps s'évanouissait petit à petit. PUTAIN D'ENFOIRÉ ! Il A OSÉ ME TASER ?! Le fils de pute avait osé s'en prendre à moi. Ce maigrichon de merde ne me connaissait décidément pas du tout. Il a peut-être pris quelques photos, mais il aurait dû se renseigner un peu mieux. La première règle, c'est de ne jamais enrager le Joker. Je me relevais, encore un peu sous le choc, le fixant avec une haine intense. J'avais été gentil jusque là, mais il n'en était plus question. Ce n'était pas du courage, c'était de la stupidité.

" Ta cartouche ? " Mes nerfs recommençaient à fonctionner normalement, mais ils étaient brûlants. J'étirais un sourire amusé, effrayant, ne le lâchant pas un instant des yeux. " Tu crois peut-être que ton joujou m'impressionne ? " J'aurais pu être impressionné par sa réaction, j'aurais pu estimer sa vie autrement peut-être. S'il ne s'en était pas pris à moi. Je lâchais la cartouche par terre avant de l'écraser à plusieurs reprises, m'assurant qu'elle était belle et bien détruite. Mon sourire s'amplifia tandis que je jubilais de lui avoir pris ses efforts. " Désolé, mais je ne vois pas de quelle cartouche tu parles. "  Je sortais mon couteau de ma poche, jouant avec dans ma main tandis que je réduisais de peu notre écart. " Tu veux des infos sur les Hausburn ? Très bien. Première règle, ne jamais chercher à en savoir plus sur eux. " Mon couteau sautait dangereusement d'une main à l'autre tandis que je gardais une distance de sécurité face au taser, n'attendant que le bon moment. " Deuxième règle, ne m'énerve surtout pas. " Ma main droite s'agrippa fermement à la poignée de mon couteau tandis que l'instant fatidique me semblait arriver. J'allais le faire. Mon regard s'était assombri. Pourtant, mes gestes s'arrêtèrent brusquement. " J'ai une idée. " J'aurais pu le tuer, j'aurais dû le faire sûrement, mais j'avais une idée encore plus amusante en tête. Mon corps se détendait et mes bras retombaient le long de mon corps, signe que je ne comptais pas lui faire du mal. Pas tout de suite en tout cas. " Tu vas m'aider. M'aider à dénicher des infos chez les autres. C'est ton boulot après tout. " S'il était vraiment détective ou espion, quoi de mieux pour dénicher des informations ? Pour une fois, Garrett serait fier de moi s'il me voyait épargner quelqu'un.

Après s'être défendu, il ne lui restait qu'une seul chose à faire. Récupérer la carte mémoire remplies de photos en tout genre. Heureusement ce n'était pas la seule, quel genre de détective serait-il si ce n'était  que la seule, puis ça faisait bien une semaine qu'il le suivait en filature le jeune Hausburn, mais ça il ne valait mieux pas en faire mention s'il ne voulait pas avoir son appartement fouillé ci-dessous. Il faisait peur et bien que boire un thé avec la brute était tentant après une bonne cigarette, Christian avait plutôt opté pour le chocolat chaud à la maison. Enfin, ça s'était sans compter la gaffe du jeune homme, le taser n'avait pas été maximisé à sa plus grande capacité sous le stresse alors il ne fallut pas grand temps pour que Mark se relève enragé. Cela n'avait bien évidemment pas laisser le temps à Chris de s'enfuir si ce n'est que récupérer de manière halte, sa bandoulière et de tendre son taser en direction de son assaillant. La crainte de se faire tuer  dans une allée assez random ne le caressait pas du bon poil. '' Recule si tu veux pas te retrouver Claude François style ! '' Bon, c'était peut être une référence trop étrangère à l'américain, mais son vif esprit était ce qui lui restait. Mais malgré sa petite menace, l'Hausburn ne semblait pas reculer et bien au contraire se rapprocher avec son petit couteau en guise de compagnon.

'' Hey hey Tiger' ! Et si on posait nos armes déjà pour commencer ? '' Oui, c'est vrai, Christian voulait en savoir plus sur les Hausburn mais s'il pouvait éviter de terminer sur une chaise roulante pour le restant de sa vie, c'était pas mal aussi. Le poids lourd semblait avoir été victime d'une illumination lorsqu'il s'arrêta, apparemment l'aider serait la prochaine étape, le prochain, je ne te tuerai pas. '' Ah, non. Non non non. Y'a aussi autre chose qui marche, si tu me touches, on le saura, et si ça se sait, it's jail time baby ! '' Il prit une courte respiration avant de continuer. Quel genre de détective surtout n'aurait pas vérifié un peu le background de l'Hausburn. '' J'ai des photos, sur toi, sur ta famille assez compromettantes et j'ai de très bonnes relations. Tu me diras comment ton frère réagira au fait que tout ne peut pas être balayé sous le tapis ! Puis ta petite sœur qui est plutôt innocente comparée à vous tous ... ! Bye liberté, bye la familia, bye la vie à la Vendetta et surtout, bye petit couteau. '' Le bluff ou la mort, honnêtement, il préfère le doux baiser de Satan que de travailler pour lui. C'était pas dans ses morales clairement. Et c'est alors que pour compléter cet acte que le jeune homme sortit son téléphone tout en gardant le taser prêt à agir. Indiquant bien à Mark qu'il était prêt à tout moment à cliquer envoyé pour le message qui changerait leurs vies. '' Ce que tu vas faire par contre c'est me laisser partir en douce ou tout, je dis bien tout, votre empire s'écroulera en l'espace d'une semaine top. ''

Il était presque marrant le gamin, j'aurais presque aimé jouer plus avec lui, comme un félin avec sa proie. Je pouvais encore cela dit. Comment pouvait-il refuser mon offre ? Comment pouvait-il préférer la mort à la vie ? Soit il crevait, soit il m'aidait, le choix était simple, j'étais plutôt sympa. J'aurais parié sur son intelligence, mais finalement j'étais loin de m'attendre à sa réaction. Je ne compris pas immédiatement quand il me parlait de tout balancer. Comme si ça m'intéressait. On couvrirait mes traces et il finirait dans un caniveau pour avoir trop parlé. C'était comme ça que ça se passait chez nous et de toute façon, ce genre de menaces ne m'avaient jamais effrayé. La prison ne me faisait pas peur, pas plus que les conséquences de mes actes. Jamais. Mais non, j'avais raison. Il était intelligent, un peu trop pour son bien. Je me décompose petit à petit. Quand il parle de ma famille, puis de mon frère et enfin de ma sœur. Je vois rouge, je perds conscience. Cette fois j'ai envie de le buter, j'ai envie de l'exploser contre le mur et de frapper jusqu'à ce qu'il ne reste que de la bouillie de son crâne. J'ai envie de le buter plus que je n'ai jamais eu envie de buter quelqu'un. Il a osé menacer mon frère, ma sœur, ma famille. Il ose avoir l'idée de leur faire du mal, de les toucher. Personne ne les touche. PERSONNE FILS DE PUTE ! J'amorce un pas dans sa direction, la mort dans mon regard lorsqu'il sort son téléphone comme pour me prouver son sérieux, me prouver qu'il dit vrai. Je me fous de conséquences, mais il tient la vie de ma famille entre ses mains. Je peux me dépêcher de lui attraper, mais il peut me taser. Il est plus doué qu'il en a l'air et ça me fout hors de moi. Je veux qu'il crève. JE VEUX LUI TROUER LE BIDE !

Tant pis pour moi, pour mon corps. Je peux pas lui permettre de jouer autant avec ta famille. Mon poing sert mon couteau comme si j'allais en saigner tandis que je m'avance encore, lentement, dangereusement. Je sais qu'il va utiliser son téléphone ou me taser, je sais que j'aurais dû utiliser la manipulation plutôt que la violence, mais il a su où appuyer. Je lâche mon couteau alors que je m'approchee et je lève les mains en l'air. Que faire ? Je suis dos au mur et il le sait autant que moi, il en joue. Je suis faible, même si je déteste l'admettre, en cet instant. Il m'a battu. Lui, un gringalet, il a battu le Joker incontrôlable. Je m'arrête finalement face à lui, là où il pourrait utiliser son joujou à souhait. " Toi... " D'un coup, sans prévenir, tu te jettes sur lui. J'attrape son visage, mais pas de coups cette fois. Non, cette fois, c'est mes lèvres qui rencontrent les siennes, violemment et habilement. J'échange un baiser avec lui avant de le relâcher finalement, mon regard changé par l'amusement qu'il me provoque. " J'ai encore plus envie de te voir travailler pour moi ! " Et avant qu'il ne reprenne ses esprits, je l'embrasse encore, avec un peu plus de passion cette fois avant de me reculer d'un pas, au cas où. Putain ce que j'aime ce genre de gars, vicieux et prêt à tout. " Je t'ai mal jugé visiblement. Reprenons du début. " Je me recule pour aller chercher mon couteau afin de le ranger dans ma poche avant de prendre un air nonchalant. « Alors, c'est quoi ton nom ? »